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HOMMAGE À MICHEL VIEL


Michel Viel

HOMMAGE À MICHEL VIEL


Le 10 août dernier, nous avons eu la douleur d’apprendre la disparition de Michel Viel. C’est l’un de nos membres les plus éminents qui vient de nous quitter, une figure valognaise.

Né le 6 septembre 1924 à Boutteville dans une famille d’agriculteurs, Michel Viel n’est scolarisé, comme ses trois frères et sa sœur, qu’à partir de la sixième. Jusqu’à cette entrée au collège, le collège Saint-François-de-Sales d’Évreux, le jeune Michel reçoit chaque matin l’enseignement prodigué par son père. L’après-midi, ce sont des « leçons de choses », une école de la vie qui passe par les tâches de la ferme. Le collège et le lycée sont l’occasion de poursuivre de brillantes études secondaires, sanctionnées par un titre de bachelier obtenu avec plusieurs années d’avance, ce qui obligera Michel à attendre quelque temps le droit d’engager des études supérieures. Le 10 juillet 1948, Michel Viel devient enfin ingénieur des industries agricoles, un diplôme délivré par l’École nationale des industries agricoles de Douai.

Pendant sept ans, les missions se succèdent dans l’industrie cidricole, généralement comme chimiste. Michel parcourt ainsi la Normandie au gré de ses postes (Manche, Orne, Calvados), mais aussi la France (Haute-Vienne, Ille-et-Vilaine), et même la Suisse (Yverdon) et le Japon, où il est ingénieur conseil auprès de l’entreprise Asahi-Cider à Tokyo en 1955.

Au cours d’une de ces missions, Michel Viel a rencontré Antoinette Châtelain, née le 28 mai 1930 à Falaise. Les jeunes gens se fiancent en 1954, puis se marient le 20 août 1955 à Boutteville. Le jeune marié, pour des raisons de stabilité, décide alors de devenir exploitant agricole. D’abord installé à la ferme de Reuville à Sainte-Marie-du-Mont de 1955 à 1962, il se fixe ensuite à la ferme de la Bergerie à Englesqueville-la-Percée, de 1962 à 1968. Durant toutes ces années, il assume également des responsabilités dans diverses organisations professionnelles, notamment comme secrétaire-adjoint de la Chambre d’agriculture de la Manche, de 1959 à 1962, ou comme vice-président de la laiterie coopérative d’Isigny-sur-Mer, de 1966 à 1968. Il sera également conseiller municipal de Sainte-Marie-du-Mont.

Installé à Valognes à partir de 1968, il sera dès lors professeur au CFPAJ laiterie du lycée agricole de Thère jusqu’en 1972, avant d’en devenir directeur. Son intérêt sincère pour le monde rural, l’agriculture et l’élevage le pousse à continuer à s’investir dans la gestion d’un milieu professionnel qu’il connaît parfaitement, même lorsqu’il prend sa retraite ; il est ainsi administrateur du Syndicat départemental de la propriété agricole de la Manche de 1981 à 2005 et juge assesseur du tribunal paritaire des baux ruraux pour les propriétaires, secteur de Valognes, de 1988 à 2002. Résolument tourné vers les autres et l’intérêt collectif, Michel Viel a également de multiples responsabilités dans l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre et l’Organisme de gestion de l’enseignement catholique, il sera encore président de l’association Le Rayon de soleil (religieuses franciscaines de Cosqueville) et membre du Conseil économique paroissial de Valognes. Son épouse Antoinette est aussi très active au sein de la paroisse Saint-Malo de Valognes et sera conseillère municipale lors des deux mandats d’Anne Heinis, de 1983 à 1995.

Passionné non seulement par l’agriculture, mais aussi par le patrimoine et l’histoire locale, Michel Viel adhère à la section valognaise de la Société d’histoire et d’archéologie de la Manche dès son arrivée à Valognes. Il en devient secrétaire en 1980 et le reste jusqu’en 2010, son état de santé l’obligeant alors à cesser ses activités associatives. Dès 2008, il avait fait connaître son désir de céder sa place de secrétaire de la section, mais il avait, avec sa gentillesse et son abnégation coutumières, accepté d’attendre les élections de 2010 pour ne pas provoquer de rupture et permettre une transition dans les meilleures conditions.

Les membres de l’association qui l’ont côtoyé conserveront de lui le souvenir d’un homme très agréable, affable, curieux de tout, attentif à son travail et aux autres, calme et pondéré, accommodant et de bon conseil. Avec son épouse Antoinette, il assistait à toutes les conférences données par la section, ainsi qu’aux repas qui les prolongeaient avec les conférenciers. Ils étaient des convives joyeux et participaient amplement à la qualité de l’accueil réservée aux invités. Michel Viel, du fait de son statut de secrétaire de section, était également membre du conseil d’administration de l’ensemble de la Société d’histoire et d’archéologie de la Manche ; il était très assidu aux réunions à Saint-Lô, même jusqu’aux derniers temps de son mandat. La SAHM rendit hommage à son engagement en l’élisant membre d’honneur en 2012.

Dans l’intimité, Michel Viel est un homme d’un commerce des plus agréables, à l’écoute attentive. Il n’est pas de ceux qui veulent à tout prix faire entendre leur voix et imposer leurs vues, il est plutôt réservé, mesuré, mais jamais avare d’avis ou de conseils quand on les lui demande. C’est, selon l’expression de sa fille Christine, « une force tranquille ». En toute saison, et quelle que soit son activité, il est vêtu d’un complet et d’une cravate : c’est pour lui une forme de respect pour l’autre, de déférence et de décence. Rarement, en vacances à Boutteville, il lui arrive de porter un polo ou une chemise ouverte. Mais nous sommes là dans le plus étroit cercle familial… Ainsi n’était-il pas rare, si vous lui rendiez visite l’après-midi, de le trouver occupé aux travaux de son jardin… en costume de ville ! Christine lui ayant un jour fait remarquer qu’il devait avoir froid l’hiver, car jamais il ne portait de quelconque manteau sur sa veste, ni de pull-over dessous, il lui répondit : « La cravate me tient chaud. » Selon lui, la cravate masque les espaces entre les boutons de la chemise et permet de n’avoir jamais froid… Il faut dire que l’homme est robuste, d’une constitution très solide : ses mains ne sont pas celles d’un rat de bibliothèque, mais bien celles d’une personne qui n’a jamais renoncé aux travaux de la terre. La poignée de main est à son image : virile et sans détours.

Antoinette et Michel Viel ont eu trois enfants, Nicolas, Guillaume et Christine, qui leur donneront onze petits-enfants. C’est une source de joies inépuisables pour Michel, heureux de leur faire découvrir ses passions. Dans sa demeure de Boutteville, durant les vacances estivales, il aménage son emploi du temps pour être toujours disponible pour eux. Il leur explique avec une patience infinie les lois de la nature, les espèces animales et végétales, les principes du jardinage. Il les promène dans une remorque tirée par un motoculteur. À plus de quarante ans, Michel rachète un petit voilier acquis par l’un de ses frères et se met à la voile : il apprend les rudiments de la navigation à l’école de voile de Quinéville, dans un Optimist comme les enfants de sept ou huit ans ! Plus tard, il le revend pour acheter un dériveur qui fera le bonheur de ses enfants, puis de ses petits-enfants.

Chercheur passionné et scrupuleux, Michel Viel consacre toutes ses matinées à ses travaux historiques ou à ses lectures, dans son petit bureau dont la fenêtre donne sur la cour d’honneur de son hôtel particulier. Curieux de tout, il prend des notes de lecture dans des proportions prodigieuses, sur le premier support qui lui tombe sous la main : dos d’enveloppe, ancien courrier, publicité… Il ouvre des dossiers documentaires sur tous les sujets qui lui paraissent dignes d’intérêt et les remplit au fur et à mesure de ses découvertes. Beaucoup de ces données restent inexploitées, mais certaines profiteront aussi à d’autres chercheurs. Julien Deshayes, l’animateur du Pays d’art et d’histoire Le Clos du Cotentin, a ainsi témoigné de sa reconnaissance à Michel Viel pour lui avoir fait partager le fruit de ses recherches sur les hôtels particuliers de Valognes. Michel Viel laisse de nombreuses études consacrées à l’histoire de Valognes, pour la plupart publiées dans la Revue de la Manche. Il a également consacré un ouvrage à l’histoire de la belle demeure qu’il avait héritée de sa tante : L’histoire d’une maison et de ses habitants du xiiie au xxe siècle à Valognes (Manche) : l’hôtel de la Haulle (1993).

Notre section vient assurément de voir disparaître l’un de ses membres les plus marquants et Valognes l’un de ses principaux historiens. Nous venons pour notre part de perdre un ami cher.


Stéphane Laîné, président de la Société d’histoire et d’archéologie de la Manche, section de Valognes.

Bibliographie de Michel Viel, établie par Alexis Douchin

1. Viel, Michel, « Recherches sur l’officialité de Valognes [xve-xviiie siècles] », Revue du département de la Manche, t. xxxii, fasc. 128, oct. 1990, p. 3-17.

2. Viel, Michel, L’histoire d’une maison et de ses habitants du xiiie au xxe siècle à Valognes (Manche) : l’hôtel de la Haulle, Valognes, 1993, 192 p.

3. Viel, Michel, « Grandeur et décadence d’un domaine rural du Cotentin : la seigneurie du Quesnay à Valognes », Revue de la Manche, t. xxxvii, fasc. 146, avr. 1995, p. 7-32.

4. Viel, Michel, « L’hôtel Du Mesnildot de la Grille [18, rue des Religieuses] à Valognes », Revue de la Manche, t. xxxix, fasc. 154, avr. 1997, p. 14-56.

5. Viel, Michel, « L’hôtel Folliot de Fierville », Revue de la Manche, t. xliii, fasc. 169, janv. 2001, p. 35-50.

6. Viel, Michel, « Les annexes valognaises de l’évêché de Coutances : le manoir-l’Évêque et le manoir de l’Official [xie-xviiie siècles] », Revue de la Manche, t. xliv, fasc. 173, janv. 2002, p. 29-51.

7. Viel, Michel, « Valognes, la ville aux trente croix », Revue de la Manche, t. xlvi, fasc. 183, juil. 2004, p. 34-51.

8. Deshayes, Julien, Javel, Stéphanie, et Viel, Michel (contrib.), « Hôtel Pontas du Méril ([31], rue de l’Église) [2004] », in Le pays d’art et d’histoire du Clos du Cotentin, en ligne : http://closducotentin.over-blog.fr/article-hotel-pontas-du-meril-74878262.html [27 mai 2011].

9. Viel, Michel, « Promenade dans les rues du centre de Valognes vers 1780 », Revue de la Manche, t. xlviii, fasc. 191, janv. 2006, p. 24-38.

La Manche Libre du jeudi 1er septembre 2016

La Presse de la Manche du mercredi 31 août 2016.

Ouest-France du lundi 29 août 2016.

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